Monaco – Monte-Carlo (Auditorium Rainier III)
16 juin 2024
Tchaïkovski et Bruckner par Pablo Ferrandez (violoncelle), Kazuki Yamada et l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo
« L’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo a conclu sa saison 2023-2024 avec la Symphonie n° 5, dont Kazuki Yamada a su maîtriser l’immense architecture. Auparavant, le violoncelliste Pablo Ferrandez jouait une version inhabituelle des Variations Rococo de Tchaïkovski
Pour clore la saison en cours, le Philharmonique de Monte-Carlo ne pouvait éviter un hommage à Bruckner, dont on célèbre en 2024 le deux-centième anniversaire. Avant cela, Pablo Ferrandez joue les Variations sur un thème rococo de Tchaïkovski, dans leur version révisée par le créateur Wilhelm Fitzenhagen (plus ou moins au corps défendant du compositeur d’ailleurs). Le violoncelliste espagnol joue le jeu de l’arrangeur en faisant de l’œuvre un concerto miniature, non sans un certain maniérisme dans les cadences. L’orchestre le suit avec chaleur, même si le corniste semble saisi à froid au début de la partition. Le meilleur se révèle dans les superbes variations lentes où la sonorité glorieuse de Ferrandez s’épanouit. En bis, comme à la Philharmonie de Paris il y a quelques mois, Ferrandez offre une séduisante et virtuose transcription d’Asturias d’Albeniz
Remarquable maîtrise
Le sommet du concert est atteint en seconde partie avec la Symphonie n° 5 de Bruckner. Dans une œuvre qui ne lui est pas familière (sa dernière exécution remonte à 1975 sous la baguette du grand Matacic), l’orchestre, que Kazuki Yamada ne renforce pas dans la péroraison finale à la différence de son grand prédécesseur, se révèle pleinement convaincant. Le chef japonais, dont la gestuelle démonstrative n’est pas sans évoquer son maître Ozawa, prend son temps pour construire l’immense architecture, mettre en valeur des nombreuses relations entre les thèmes et les mouvements, soigner la lisibilité de la polyphonie dans le formidable finale. Il fait preuve d’une remarquable maîtrise des tempos dans l’Adagio introductif et l’Allegro du premier mouvement, d’un profond et chaleureux lyrisme dans le magnifique Adagio (II), de tendresse dans les accents populaires du Scherzo (III).
Mais c’est surtout le gigantesque édifice contrapuntique du finale qui impressionne par la maîtrise de sa géniale polyphonie. Yamada porte jusqu’à sa rayonnante apothéose la structure fuguée du vaste mouvement. L’orchestre impressionne par sa concentration et la qualité des solistes (hautbois dans l’Adagio, narquoise clarinette au début du finale, cor – cette fois « chauffé » – dans toute l’œuvre). Le public, pourtant sans doute peu familier de la partition, ne s’y est pas trompé, acclamant les musiciens monégasques qui joueront la prochaine saison les Symphonies n° 7 et n°8. »
Tchaïkovski et Bruckner par Pablo Ferrandez (violoncelle), Kazuki Yamada et l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo. Monaco, Auditorium Rainier III, le 16 juin.
Jean-Claude Hulot – Diapason
Crédit photo : Stéphane Danna