5 août 2024 Valérie

📌 Point presse : À Monaco, les harmonies poétiques de Riccardo Muti

Concert organisé avec le généreux soutien des Amis de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo

Monaco – Monte-Carlo (Palais Princier)
26 juillet 2024

Catalani et Schubert par l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo et Riccardo Muti. 


« Pour une première, elle était originale : Riccardo Muti, 83 ans depuis dimanche, a fait ses débuts avec l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, en plein air, dans la Cour d’honneur du Palais Princier de Monaco avec la « Grande » Symphonie en ut de Schubert et une pièce de Catalani.

La formation monégasque est habituée des lieux, ces « Concerts au Palais Princier » étant une tradition remontant à 1959. Et quel espace, entre grand escalier à double révolution en marbre de Carrare, galerie d’Hercule magnifiquement ouvragée, chapelle et colonnades ! Sensation étrange à voir ce public élégant, discrètement encadré par les Carabiniers du Prince, impassibles. Hors du temps des horloges, mais pas de celui la météo : chaleur entêtante, air chargé d’humidité. Des conditions difficiles pour les musiciens, en particulier les cordes. Mais tout appelait un moment mémorable…

Reflets wagnériens

Seul Riccardo Muti, défenseur inlassable de la musique italienne, était capable de faire précéder la Symphonie n° 9 en ut majeur de Schubert de ce nocturne qu’est la Contemplazione (1871) d’Alfredo Catalani. Pièce introvertie, retenue en dépit de son épisode central plus tourmenté, et dans laquelle le chef perçoit des reflets wagnériens, qu’il met en valeur sans appuyer. Car Contemplazione est de ces pièces qui doivent être traitées avec le même sérieux qu’un chef-d’œuvre, sous peine de tomber dans le sentimentalisme, voire la trivialité. Impensable ici : Muti lui confère à la fois rigueur et noblesse, au fil d’une lecture habitée, tout en phrasés nuancés et organiques. Et qui ouvre les bras à cette paix intérieure

que le titre appelle. La réaction des musiciens à la moindre sollicitation du bras, du regard, attirait immédiatement oreille et œil. C’est aussi lorsqu’il est absent qu’on perçoit la qualité d’un directeur musical, en l’occurrence Kazuki Yamada. Riccardo Muti avouera ensuite avoir été surpris et enchanté par le niveau de la formation monégasque.

Agencement précis

Le lyrisme insufflé à Catalani nous préparait-il au voyage fascinant qu’a ensuite été la « Grande » de Schubert (1823-1828) ? Muti connaît bien l’œuvre, et ce soir, le mélange de douceur, d’intériorité, d’harmonie poétique, atteint une profondeur singulière. Les tempos sont larges, en particulier celui de l’Andante – Allegro non troppo, joué avec la reprise, imprégné de mélancolie, de couleurs automnales, qu’un lien très étroit unit ensuite à l’Andante con moto. Mais ce temps généreux accordé au pas schubertien donne une force singulière au traitement du détail, à l’échelle et à l’agencement précis des contrastes. On a rarement entendu en concert chaque phrase, chaque figure, jouée avec une telle netteté de dessin, conséquente jusqu’à la dernière note – les moindres passages en pizzicatos, contre-chants, réponses d’une section à l’autre…

Muti transcende les rythmes du Scherzo, joie et mélancolie mêlées, Liebesfreud et Liebesleid, d’une façon qui rappelle pourquoi, après avoir joué Schubert avec lui, le Philharmonique de Vienne l’a invité à diriger en 1993 son premier Neujahrskonzert – il le dirigera en 2025 pour la septième fois ! Chaque pupitre le suit avec une concentration et une discipline sonore et expressive (le cor solo, les cuivres) donnant à tout instant le sentiment d’entendre la projection mentale exacte de ce que voulait le maestro.

Avec une texture dense mais aérée, un lyrisme intense mais délié, telle une respiration immense et continue. L’échelle dynamique, les contrastes peuvent être impressionnants, le son ne quitte jamais les rives de cette douceur source de sens profond, de mystère, en lien avec ce ciel nocturne qui nous enveloppait peu à peu. Une interprétation d’une plénitude saisissante, que seuls sans doute l’expérience accumulée et le regard rétrospectif autorisent au soir de la vie. »

Catalani et Schubert par l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo et Riccardo Muti. Monaco, Palais Princier, le 26 juillet.

Rémy Louis – Diapason
Crédit photo : By courtesy of riccardomutimusic.com