S. Trpceski, D. Matvienko (© André Peyrègne)
Monaco
Monte-Carlo (Auditorium Rainier III)
08 octobre 2023
Serge Rachmaninov : Concerto pour piano n° 2, opus 18
Serge Prokofiev : Symphonie n° 5, opus 100
Simon Trpceski (piano)
Orchestre philharmonique de Monte‑Carlo, Dmitry Matvienko (direction)
Avec le pianiste Simon Trpceski, le plus dur est de prononcer son nom. Car pour ce qui est de l’écouter, c’est un régal. Ce virtuose macédonien est phénoménal. Avec des doigts d’acier et une souplesse de félin, il vous met debout une salle entière en jouant le Deuxième Concerto de Rachmaninov. Sa puissance sonore semble sans limite, de même que sa technique. Il possède un sens extrême du phrasé, soigne ses respirations, recherche sans cesse le « beau son ». Trpceski est éblouissant. Trpceski est émouvant. Trpceski, c’est Rachmaninov ressuscité !
En interprétant son Deuxième Concerto, il inaugurait sa saison d’« artiste en résidence » au Philharmonique de Monte‑Carlo. Sa complicité avec l’orchestre fut totale. Depuis son tabouret de piano, il fallait le voir épier les moindres entrées des divers pupitres. Il les approuvait du regard, ou bien d’un geste de la tête ou des épaules. Il glissait ses traits vertigineux ou ses phrases poétiques au sein même des méandres de l’orchestre. Il y avait entre tous une complicité parfaite dans l’éclat comme dans la douceur. Le pianiste symbolisa sa complicité avec l’orchestre en jouant en bis un mouvement de sonate de Prokofiev avec la violoniste soliste Liza Kerob. Cela fut particulièrement élégant.
L’orchestre était dirigé par un nouveau venu à Monaco, le russe Dmitry Matvienko. A peine âgé d’une trentaine d’années, ce chef au physique de grand jeune homme, fut révélé naguère par le Concours international Guido Cantelli de Novare. Dans le concerto, il offrit au soliste un accompagnement somptueux. Puis, passant d’un Serge à l’autre – de Rachmaninov à Prokofiev –, il dirigea la Cinquième Symphonie de ce dernier. Il fit sonner avec robustesse cette œuvre aux contours massifs et aux angles rudes qui, composée en 1945, laisse entendre tour à tour les échos de la guerre et les espoirs de la paix, remue les voix de l’ombre et les lueurs de l’espérance, et, au milieu du tumulte, au moment où on ne s’y attend pas (dans le deuxième mouvement), fait entendre un épisode du ballet Roméo et Juliette. Cette musique est celle des grands effets et des grands écarts. D’une direction ferme et efficace, le jeune Matvienko sut en mettre en évidence ses divers aspects.
André Peyrègne
