Monaco
Monte‑Carlo (Auditorium Rainier III)
21 janvier 2023
Mieczyslaw Weinberg : Concerto pour violoncelle, opus 43
Serge Prokofiev : Roméo et Juliette, opus 64 (extraits)
Thierry Amadi (violoncelle)
Orchestre philharmonique de Monte‑Carlo, Mirga Grazinytė‑Tyla (direction)
Disons‑le d’entrée : dans le monde des femmes chefs d’orchestre, la Lituanienne Mirga Grazinytė‑Tyla se situe au sommet. Ce petit bout de femme, frêle et souriante, presque timide d’apparence, exerce sur son orchestre une maîtrise d’acier, fait exprimer à ses musiciens des choses infiniment fines ou superbement grandioses.
Actuelle directrice de l’Orchestre de Birmingham, on la verrait bien à la tête d’un orchestre plus grand encore. Certains ont fait courir le bruit que New York serait intéressé. Faut‑il le croire ? On ne prête qu’aux riches ! En tout cas ce serait plausible… Sa prestation, à Monte‑Carlo, dans une suite de Roméo et Juliette de Prokofiev a été envoûtante. Ses gestes sont d’une grâce exquise. De la main droite, elle tient sa baguette du bout des doigts, donnant à celle‑ci une souplesse aérienne. Sa main gauche dessine mille arabesques, comme un vol de papillon. Soudain la main s’immobilise et, s’ouvrant en corolle, cueille avec délicatesse telle note précieuse apparue aux violons ou aux bois. A d’autres moments, elle donne l’impression de soulever l’orchestre entier. On s’étonne alors de voir une main aussi frêle réaliser un tel travail d’Hercule ! De quelques gestes cinglants, elle fait claquer l’orchestre. L’instant d’après, elle l’éteint en douceur, ses doigts donnant l’impression de froisser une étoffe de soie. Mirga avait à côté d’elle une autre femme de grande qualité, le violon solo Liza Kerob. Le dialogue établi entre les deux s’avéra d’une parfaite efficacité pour faire tonitruer la « Danse des chevaliers », frissonner la « Scène du balcon », exploser la « Danse générale » ou accompagner la « Mort de Juliette ». Lors de ce concert, on entendit aussi le Concerto pour violoncelle de Weinberg. Connaissez-vous cette œuvre ? Il y a des passages d’une grande beauté, portés par le souffle du romantisme (dans le premier mouvement notamment), certains autres inspirés par des danses populaires. Mais il y a aussi des moments où la musique s’égare et où l’orchestration s’étiole. Cette œuvre a eu un défenseur d’élite en Thierry Amadi. Il faut faire l’éloge de ce musicien qui est au pupitre où, il y a un demi‑siècle, se trouvait Paul Tortelier en personne. Nous dirons tout net que, par son ampleur, sa musicalité, sa maîtrise, Thierry Amadi en est un digne successeur. On ne saurait trouver meilleur compliment ! Pour le bis, de Weinberg également, Thierry Amadi associa la violoniste Liza Kerob déjà citée et l’altiste Federico Hood avec lesquels il forme le très bon Trio Goldberg. Dans une Principauté de Monaco où, par ailleurs, Cecilia Bartoli vient de prendre la direction de l’Opéra, l’année 2023 commence fort ! André Peyrègne |