S. Khatchatryan, J. Valcuha (© André Peyrègne)
Monte-Carlo (Auditorium Rainier III)
11 juin 2023
Ludwig van Beethoven : Concerto pour violon, opus 61
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 10, opus 93
Sergey Khatchatryan (violon) – Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, Juraj Valcuha (direction)
Le deuxième mouvement, qui est un scherzo, de la Dixième Symphonie de Chostakovitch est l’une des cavalcades les plus brillantes et implacables de l’histoire de la musique symphonique. A classer près de Mazeppa ou de la « Chevauchée des Walkyries » ! Il a été interprété de manière époustouflante par le Philharmonique de Monte‑Carlo sous la direction du chef slovaque Juraj Valcuha. Lorsque claqua le dernier accord, la salle resta muette d’admiration, comme abasourdie par ce qu’elle venait d’entendre.
Mais il n’y eut pas que le deuxième mouvement ! La symphonie entière nous coupa le souffle, sous la direction de ce chef admirable. L’œuvre a été composée par Chostakovitch comme un cri de libération à la mort de Staline – le dictateur qui l’avait tant fait souffrir. Le compositeur se met lui‑même en scène à la fin de l’œuvre, dans une sorte d’euphorie libératrice, en faisant tonitruer le thème issu de ses initiales, DSCH (Dmitri SCHostakowitsch, en allemand) : ré (D), mi bémol (S), do (C), si (H).
L’orchestre monégasque s’est surpassé sous la direction de Juraj Valcuha. Dans la tranche d’âge des quadragénaires, ce chef est l’un des meilleurs du moment au niveau international. Il est actuellement directeur de l’Orchestre de Houston. Viva Valcuha !
Ce concert était vraiment celui de l’excellence, ayant pour soliste le violoniste Sergey Khachatryan. Son interprétation du concerto de Beethoven fut magnifique, suscitant dans la salle, pendant trois quarts d’heure, une sorte de silence religieux. Le monde semblait accroché à l’archet du soliste, à la perfection de ses notes, à la majesté de son phrasé. Au fur et à mesure que se déroulait l’œuvre, il donnait l’impression de prendre de la hauteur, de décoller de terre. Il semblait en apesanteur. Au moment du bis (un mouvement de sonate de Bach), il était dans un autre monde, son interprétation devenue presqu’immatérielle. Le public, lui, était bien sur terre lorsqu’il se leva pour lui réserver une standing ovation. Une standing ovation pour lui et pour le chef.
André Peyrègne