©Marco Borelli
Monaco – Monte-Carlo (Auditorium Rainier III)
02 mars 2025
Opéra en concert
Richard Wagner : Tristan und Isolde
Andreas Schager, Anja Kampe, Georg Zeppenfeld, Ekaterina Gubanova
Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, Philippe Jordan (direction).
« Soudain, au sommet d’un grand crescendo, on vit surgir du fond de l’orchestre le ténor Andreas Schager chantant à pleine voix le nom d’Isolde : « Isolde ! Mon aimée ! » Toute la salle vibra, retint son souffle. On avait rarement assisté à une aussi monumentale entrée de Tristan. Dévalant les marches de l’estrade, le chanteur rejoignit sur le devant de la scène Anja Kampe, l’interprète d’Isolde. Tous deux entamèrent alors leur mémorable duo d’amour.
On était en l’Auditorium Rainier III de Monaco, lors d’un concert organisé par l’Opéra de Monte-Carlo, donné par l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, placé sous la direction du chef suisse Philippe Jordan. Le programme comportait le deuxième acte de Tristan und Isolde. Mémorable concert ! Ce soir-là, on eut l’impression que les deux personnages de l’opéra n’étaient pas seuls à avoir bu le philtre et que le public aussi avait eu sa part de breuvage enchanté, tant il fut sous le charme…
Le concert avait commencé par une interprétation admirable de l’Adagio de la Dixième Symphonie de Gustav Mahler. Puis ce fut donc le deuxième acte de Tristan. L’essentiel de cet acte est constitué par le duo entre Tristan et Isolde lequel, durant trois quarts d’heure, est certainement le plus long duo d’amour de l’histoire de la musique. Les deux interprètes rivalisèrent de puissance vocale, se donnant à fond dans le romantisme exacerbé d’une musique qui est presque surhumaine. Ils ne restèrent pas tout le long dans le registre tonitruant. Quand arriva le superbe passage « Descends sur nous, nuit d’amour » et que leurs deux voix s’unirent sur les notes du fameux « accord de Tristan », ils chantèrent avec une douceur qui aurait pu être celle d’un Lied de Schubert. Comme cela fut beau ! L’ensemble de la distribution fut admirable. Splendide roi Marke de Georg Zeppenfeld ! On aimerait un Roi Marke comme celui-ci à tous les festivals de Bayreuth ! Magnifique Brangäne d’Ekaterina Gubanova ! Cette mezzo associait l’intensité du chant wagnérien à une sorte de souplesse verdienne. Très bons les Melot et Kruwenal de Neal Cooper et Przemyslav Baranek ! Tous chantaient par coeur, à l’exception d’Anja Kampe qui était dressée devant son pupitre.
L’orchestre monégasque déployait des sonorités superbes, remuant les eaux profondes de la musique de Richard Wagner, mais sachant aussi en traduire la transparence et les scintillements. A spn pupitre, Philippe Jordan était aussi efficace dans l’emphase que dans le détail. L’un et l’autre sont importants chez Wagner. Il semblait pris par une magie qu’il avait lui-même créée. Cela rappelait l’histoire de cette admiratrice qui avait dit un jour à un grand chef : « Maître, comme vous avez bien dirigé Tristan ! » Le chef lui répondit : « Non, Madame, c’est Tristan qui m’a conduit ! ». L’histoire pourrait être reprise ici… »
André PEYREGNE – Classiques news
02 mars 2025