dimanche 22 septembre 2024
Grimaldi Forum – Monaco
« Sans doute se préparait-il à jouer à cette rentrée, avec son Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, la Troisième symphonie de Mahler – cette œuvre monumentale que l’on ne joue peu de fois dans sa vie et qui marque une carrière de musicien. Sans doute avait-il déjà pensé à la manière dont il ferait entendre ses beaux traits de basson au milieu de cette œuvre babylonienne. Mais le sort en a décidé autrement. Au milieu de l’été, Franck Lavogez est mort subitement. Sa disparition a semé la consternation au sein de l’orchestre.
Au Grimaldi Forum où fut jouée cette œuvre, dimanche, les musiciens et le chef ont déposé un à un une rose blanche devant son portrait. On eut le cœur serré.
Puis l’œuvre fut jouée en sa mémoire – cette œuvre dans laquelle certains passages s’élèvent vers le Ciel et où un chœur d’enfants fait entendre la voix des anges. En dirigeant cette symphonie, Kazuki Yamada fut admirable. Son interprétation fut à la fois nette, précise, lustrée comme pour une symphonie de Haydn, mais également puissante, lyrique, fantasque, déchirante, méditative – car cette œuvre fertile en rebondissements sollicite tous ces caractères. Il nous a tenu en haleine pendant plus d’une heure et demie.
L’orchestre a été splendide, depuis la fanfare du début où le bataillon des huit cors à l’unisson, entraîné par Patrick Peigner, fit trembler les murs jusqu’à ce sixième et dernier mouvement qu’ouvre une des plus belles phrases des cordes que Mahler ait écrites. Les deux quatuors de trombones et de trompettes se sont surpassés, l’une des trompettes faisant entendre depuis les coulisses une voix d’un autre monde. (Trombone solo Pierrick Caboche, trompette solo Gérald Rolland). Il y eut aussi, dans le troisième mouvement, un cor de postillon qui entra à pas feutré au milieu du tourbillon (Matthias Persson). Tous les solos des bois furent magnifiques (Anne Maugue à la flûte, Matthieu Petitjean au hautbois, Marie-B Barrière à la clarinette).
Les cordes, selon les passages, déchaînaient des houles ou déroulaient du velours avec, à leur tête, la soliste Liza Kerob qui, de solo en solo, promenait son rêve dans un monde de démiurge. Quant aux percussions, il leur revint de conclure l’œuvre de manière dantesque avec ses deux timbaliers solistes Julien Bourgeois et Antoine Lardeau qui firent tonitruer les deux notes la-ré avec de spectaculaires mouvements parallèles de leurs bras et leurs baguettes.
Au milieu de tout cela, une magnifique mezzo, Gerhild Romberger surgit pour chanter « Ô homme prends, garde ! » extrait du « Zarathoustra » de Nietzche. Les charmants enfants de l’Académie de musique firent tinter les échos du paradis.
Enfin, les femmes du chœur CBSO de Birmingham nous firent bénéficier pour la troisième année consécutive, de leur chant parfait.
Bouleversante, oui, a été cette Troisième symphonie de Mahler.
André Peyrègne : Résonances lyriques – 22/09/2024