(© Emma_Dantec)
Monaco
Monte-Carlo (Auditorium Rainier III)
29 octobre 2023
Johannes Brahms : Concerto pour piano n° 1, opus 15
Igor Stravinsky : Petrouchka (Suite, 1947)
Hélène Grimaud (piano)
Orchestre philharmonique de Monte‑Carlo, Lio Kuokman (direction)
Il y a quelque chose de paradoxal à voir Hélène Grimaud s’attaquer au Premier Concerto de Brahms. Cette œuvre monumentale réclame des mains de colosse alors qu’elle présente des doigts de fée. On se demande comment, avec son allure de grande jeune fille, sa silhouette fine et son regard bleu tendre, elle va accomplir les exploits que réclame l’interprétation de ce concerto.
C’est pourtant ce qu’elle a fait à Monte-Carlo. Oh, au début, elle s’y prend en douceur. Elle s’avance à pas de loup. (On sait la proximité qu’elle a avec cet animal !) Le jeu est beau mais on aimerait plus d’ampleur, davantage de profondeur. Autour d’elle, l’orchestre multiplie ses assauts. Alors, peu à peu, on sent la fièvre monter en elle. Cette fois‑ci, elle se transforme en lionne. Elle ne caresse plus son clavier, elle le griffe, le pétrit, le malaxe. Son interprétation devient vraiment brahmsienne. Le concerto finit en apothéose. Tel fut, à l’arrivée, le succès d’Hélène à Monaco, de Grimaud chez Grimaldi.
Pour l’accompagner un jeune chef d’élite se trouvait au pupitre, Lio Kuokman. Elégant, efficace, il est né à Macao. Les émules de Karajan natifs de Macao ne sont pas légion ! Celui‑ci est admirable. Après Brahms, il nous a donné une version étincelante, éclatante de couleurs, de Petrouchka de Stravinsky.
L’œuvre n’est pas facile à suivre si l’on ne connaît pas l’histoire du ballet. Il faut savoir que la flûte est celle du magicien qui donne vie à Petrouchka, à la Danseuse, au Maure ; que la clarinette est la voix de Petrouchka ; que la trompette glorifie le Maure ; que la Danseuse valse au son du piston ; que le tuba est montreur d’ours ; que le tambourin signale le coup mortel porté par le Maure à Petrouchka ; que la trompette fait apparaître le fantôme de ce dernier.
Les solistes de l’orchestre ont brillé dans tous ces rôles : la flûtiste Anne Maugue, la clarinettiste Marie‑B Barrière‑Bilote, le trompettiste Matthias Persson, le tubiste Florian Wielgosik, tandis que, tout là‑haut, le timbalier Julien Bourgeois, qui avait déjà été souverain dans le concerto de Brahms, rythmait les différents épisodes de l’histoire. Le tout était entraîné par le violon solo de David Lefèvre. Au cœur de l’orchestre de Petrouchka se trouvait un autre instrument soliste, le piano. Il fut admirablement tenu par une autre belle jeune pianiste, Héloïse Hervouët. C’est ainsi qu’en une après‑midi le piano fut doublement choyé par Hélène et Héloïse.
André Peyrègne