ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE MONTE-CARLO :
Monaco
Auditorium Rainier III
02/10/2022
Dimitri Chostakovitch : Ouverture de fête, opus 96
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour piano n° 23 en la majeur, K. 488
Serge Rachmaninov : Symphonie n° 1 en ré mineur, opus 13
Evgeny Kissin (piano)
Orchestre philharmonique de Monte‑Carlo, Kazuki Yamada (direction)
Quoi, Evgeny Kissin aurait souffert d’une tendinite et annulé ses concerts cet été ? On peut vous affirmer qu’il n’en paraissait rien lors de son concert à Monaco dimanche dernier. Certes, il avait remplacé le Troisième Concerto de Rachmaninov initialement prévu par le Vingt‑Troisième de Mozart, mais son interprétation respira la santé. Elle fut grandiose.
Grandiose, oui ! Et c’est là que réside le paradoxe de Kissin interprétant Mozart : il peut être à la fois grandiose (comme dans un concerto de Beethoven ou de Brahms) et en même temps respectueux des phrasés, des respirations, du style mozartiens. C’est bien du Mozart qu’on entendit. Et quel Mozart ! Kissin prouva qu’une interprétation mozartienne ne se fait pas uniquement dans la dentelle, qu’elle peut être monumentale tout en restituant son esprit originel. Avec un jeu très articulé, il donnait une importance à chaque note. Aucune n’était laissée au hasard – même pas la plus ténue des doubles croches, même pas la plus petite note au centre d’un accord. Tel fut Mozart selon Kissin.
Le Philharmonique, sous la direction de Kazuki Yamada, entoura le soliste d’une étoffe ample et souple, enveloppant à la fois la majesté de son jeu et la précision de son phrasé.
Au programme figurait également l’exubérante Ouverture de fête de Chostakovitch. L’œuvre est joyeuse, brillante, exubérante, pleine de fanfares et de folklore. Elle n’a rien à voir, bien sûr, avec le Chostakovitch des symphonies. Elle fut composée pour la célébration des trente ans de la Révolution d’Octobre.
On entendit aussi la Première Symphonie de Rachmaninov, découvrant ainsi une œuvre rarement jouée qui témoigne puissamment du génie d’un compositeur âgé de 23 ans. On entend d’un bout à l’autre ces trois notes à intervalle d’un demi‑ton (fa‑mi‑fa) qui sont au début de l’hymne grégorien du Dies Irae. Ces trois notes du Jugement dernier, qui obséderont Rachmaninov toute sa vie et qu’on retrouvera dans nombre de ses œuvres, figurent déjà jusqu’à l’obsession dans cette Première Symphonie.
On sait que l’échec de la création de cette œuvre, dirigée par Glazounov ivre, incapable de maîtriser son orchestre, plongea Rachmaninov dans une dépression nerveuse. Il voulut arrêter de composer. Il ne s’en sortit qu’au bout de plusieurs mois de consultations psychanalytiques, après que son psychiatre lui eut susurré par hypnose un thème qui lui donna envie de se remettre au travail en composant son Deuxième Concerto pour piano.
Une chose est certaine, si Rachmaninov avait bénéficié de la maîtrise du chef Kazuki Yamada et du brio du Philharmonique de Monte‑Carlo, il n’aurait pas eu besoin de psy !
André PEYREGNE