V. Sokolov, E. Gullberg Jensen (© Jean‑Louis Neveu/Orchestre philharmonique de Monte‑Carlo)
Monaco – Monte-Carlo – Auditorium Rainier III
21 janvier 2024
Carl Nielsen : Hélios, opus 17
Jean Sibelius : Concerto pour violon en ré mineur, opus 47
Serge Rachmaninov : Symphonie n° 2 en mi mineur, opus 27
Valeriy Sokolov (violon)
Orchestre philharmonique de Monte‑Carlo, Eivind Gullberg Jensen (direction)
Coiffé à la romantique, vêtu d’une redingote, voici le chef d’orchestre norvégien Eivind Gullberg Jensen. Il a dirigé le dernier concert du Philharmonique de Monte‑Carlo. Il avait amené dans ses bagages les partitions de deux œuvres scandinaves, l’Ouverture Hélios de Nielsen et le Concerto pour violon de Sibelius, auxquelles il ajouta en seconde partie du concert la Deuxième Symphonie de Rachmaninov.
On peut s’étonner de la présence du soleil grec Hélios dans la production musicale du compositeur danois Nielsen. L’explication est simple… et même lumineuse : le compositeur découvrit le soleil de la Grèce en allant retrouver dans ce pays son épouse sculptrice qui était allée étudier les bas‑reliefs du Parthénon. Il a décrit dans son œuvre le trajet du soleil grec de l’aube au crépuscule en utilisant la sonorité des cors pour évoquer non seulement la lueur ténue de l’aurore mais aussi la lumière triomphante de midi. Tout cela est d’un bel effet orchestral… sans toutefois atteindre la magie du « Lever du jour » dans Daphnis et Chloé de Ravel !
Une fois le soleil de Nielsen couché, on eut droit de s’aventurer dans les forêts sombres du Concerto pour violon de Sibelius. Œuvre magistrale, envoûtante que celle‑là ! Et dire qu’il y a encore un demi‑siècle des critiques sérieux comme Antoine Goléa la traitaient de « tragiquement conventionnelle » voire de « vide musical ». Peut‑être n’aurait-il pas eu la même opinion s’il avait entendu l’interprétation vivante, vibrante, intense, passionnée et passionnante que nous avons entendue de la part du violoniste ukrainien Valériy Sokolov. En voilà un qui n’hésite pas à aller au fond des cordes, comme s’il voulait écraser son violon de l’archet ! Le résultat est impressionnant.
Le chef dirigea par cœur la Deuxième Symphonie de Rachmaninov. Il semblait chez lui dans cette œuvre. L’orchestre le suivit avec une grande concentration, peut‑être même une certaine « tension » qui donna quelque rudesse à des passages qu’on aurait aimés plus onctueux. Il n’empêche, le résultat fut grandiose et suscita l’enthousiasme du public. On fut pris par l’élan de cette musique qui vous emporte, vous berce, vous enivre. Sortilèges de la musique de Rachmaninov ! Au‑dessus des méandres du troisième mouvement s’éleva le beau solo de clarinette joué par la soliste Marie‑B Barrière.
Le Philharmonique de Monte‑Carlo avait quelque peu prolongé la célébration des cent cinquante ans de la naissance de Rachmaninov, qui aurait dû logiquement s’arrêter en 2023. Il eut bien raison, on ne s’en lasse pas !
André Peyrègne